Check-Point tape dès le titre. Cinq humanitaires, deux camions, une jeune fille, cinq hommes dont deux, encore jeunes et déjà anciens, soldats. L'asphalte et les arbres défilent, les arrêts s'organisent, les nuits dans la cabine du camion ou sous une petite tente. Quelques discussions, beaucoup de réflexions autour de l'engagement, de la raison d'être là, dans ces camions, de se frotter à la guerre... La guerre pas si loin, au bout de la route, sur le même continent, avec les forces internationales sur le terrain. Jean-Christophe Rufin ne théorise pas. Pourtant il pourrait : l'humanitaire, médecin, il l'a pratiqué à tous les échelons pendant près de 30 ans. Il nous pose dans les cahots des camions, en route avec ses personnages.
L'humanitaire affiche sa neutralité, il la revendique en individuel et en collectif. Mais le passé, les motivations, les sentiments brouillent les cartes. Nous croyons suivre un road-movie destination l'Europe de l'Est et nous nous retrouvons dans un thriller. Le danger n'est pas où l'on croit, il n'est pas où on nous le montre et on ne sait plus trop sur qui ni quoi miser. Ces aventuriers parviendront à une ultime étape bien plus déconcertante qu'ils ne l'avaient imaginée.
Surtout ne négligez pas la post-face où l'expérience de l'auteur éclaire non seulement le récit mais surtout l'expression "check-point" : une brillante synthèse où Jean-Christophe Rufin partage généreusement des clés pour mieux comprendre, au-delà du roman, notre temps.
Check-point, Jean Christophe Rufin, Gallimard, folio, 2015.